La
malédiction de l’hélicoptère,
Le monde bouge, le monde change, l’ultime hallali, la
dernière chasse au trésor des hommes a lieu sous l’impulsion irrésistible de
l’argent dieu. Les hommes accomplissent les préceptes de leur ultime divinité de
la même manière imbécile qu’ils avaient appliqués celles des dieux anciens, barbaries,
inconstances et avidité quasi rituelle : tristes chroniques de la
destruction de la nature sauvage par l’impérialiste expansion humaine….
Nous étions prés de la rivière magique. Notre camp était
monté et dégageait ce délicieux charme des camps de nomades en transit. Dans un
coin il y avait les tentes, adossées aux arbres
protecteurs du vorace vent d’ouest des grandes latitudes. Un peu plus
loin, le feu, les feux, brulaient, foisonnants comme la vie d’un bois sec
inépuisable. Du foyer principal plusieurs plus petits avaient égrené. Ils avaient migré
de quelques mètres, vers les divers ateliers de séchage et de fumage de la
chair des poissons et surplombés la
berge même de la rivière. En les alimentant, je pouvais entendre l’eau fraîche
chanter son érotique chanson aux oreilles de mes pêcheurs. J’étais heureux
d’être là et fier de mon groupe. Autour de nous, tout était harmonie et paix,
jusqu’à la puissance de nos feux domestiques avait fini par trouver une place dans la
symphonie de la rivière.
Le soir, en allant
pisser et nous laver les crocs, nous prions les quatre coins cardinaux :
L’ouest pour le vent, L’est pour la terre, Le sud pour la glace et le nord pour
le feu. Nous nous savions en équilibre instable, défavorable même, car nous
n’étions plus jeunes, et que la vieillesse est le pire ennemi de l’homme, celui
contre qui on ne gagne pas. La rivière devant nous changeait la donne, elle
venait de nous enlever vingt ans, nous étions en pleine cure de jouvence.
J’étais aux anges, nous revenions à l’état original, celui depuis lequel on
peut mieux comprendre comment nous avons pu devenir aussi cons. Qu’elles furent
les souffrances, les hérésies et les délires qui menèrent les hommes sur une voie aussi
folle ? Celle de la destruction terminale de son biotope ! Pourquoi
ce désir si irrépressible de puissance ? De contrôle et de
possession ? De connerie gratuite ? Quelles intolérables frustrations
de race avaient bien pu frapper les cueilleurs chasseurs que nous fûmes, quels
ennemis, quelles maladies avaient donc bien pu nous rendre aussi paranoïaques ?
Vivre ainsi m’aidait à comprendre le lien fou de notre évolution irrationnelle.
Et la réponse je la tenais en partie, en trois jours nous
étions redevenus ce que nous avons toujours été : un animal qui pêche,
chasse, mais un animal faible, sans aucun doute, un animal qui s’il n’anticipe
pas tout, crêve ! Et vite, le moindre rat des steppes en ce sens est plus
solide que nous.C’est vrai aussi que quand on a beaucoup de poissons à fumer,
on a du mal à ne pas imaginer un fumoir quand on est un homme. Et ça, il faut
quand même le mettre à notre dêcharge, c’est quand même l’évolution des
mammifères qui nous a fait physiquement délabré et intelligent. Par contre le
vice et la saloperie généralisé on a tout inventé nous-mêmes comme des
grands !!
Une autre chose nous rapproche aussi des animaux, la
régulation. Elle est l’affaire de dame nature, pas de nous mêmes. La, est le
paradoxe humain, malgré nos armes, nos technologies incroyables, notre
infernale imagination nous pensons comme un cerf, un castor, un rat, ni plus ni
moins. La régulation n’entre jamais dans nos schémas de pensé, et nous n’avons
aucunes notions de notre réel impact. Il n’y a nulle part à aller chercher
l’explication de l’effondrement du monde, l’homme ne pourra jamais se réguler
autrement que par la guerre.
Notre voyage est un voyage dans le passé de notre
espèce, et les signes de l’ancien monde,
vont nous accompagner tous du long, les signes visible à l’œil du chasseur nous sont à
nouveau dévoilés, par Christian le chasseur, ceux du vent et du ciel par moi le
marin, de la rivière par Alain, Fernand, et Pierre, de la marche et de la
vaillance par Andreus et Rémy. Nous étions redevenus vite une tribu au point
que trois jours après le départ, les rôles de la survie en groupe étaient
distribués, moi j’étais cuistot et chaman et ça m’allait.
J’en étais là de ma philosophie de comptoir, lorsqu’Alain de
retour de la rivière deux truites à la main vient m’annoncer :
-Gilles j’ai entendu un hélicoptère et je l’ai vu passer à
la ligne de crête des dientes !
-Hein ? Je n’avais depuis plus dix ans que j’habitais
ces contrées rencontrait encore un hélicoptère aussi au sud, alors en entendre
un…j’avais du mal à le croire et je grognais quelques grognements septiques.
Pourtant oui, hélico il y avait, un hélico volait sur cette
immensité de terre sauvage, un hélico, donc des hommes, donc potentiellement
des emmerdes, tous ce que nous étions promis de fuir….Et merde !!
Et l’hélico il était pour nous !! Avec quatre connards
à bord, des gros gringos plein de soupe et physiquement délabrés accompagnés
par un guide chilien ventru et pathétique dans sa parca rouge et son téléphone
satellitaire agrafé au revers de son col. L’engin est apparu comme un ovni
derrière les arbres si tranquille de notre campement, il nous a tourné autour,
et tout de suite nous avons compris que c’est après nous qu’il en avait.
Et il c’est posé tout prêt, trop prêt de nous, lui aussi il
veut l’embouchure de la rivière, me suis je dit en voyant débarquer des gugus
bardés de matériel de pêche. Mais eux la rivière ils étaient là pour la violer,
avec leur bruit, leur physique déplorable, leur argent et leur hélico d’arrivés
qui croient pouvoir tout compenser par leur pouvoir d’hommes riches et
suffisants. Car ils le sont, le guide est venue nous interroger directement,
mais ses clients nous toisent de loin et on lit clairement dans leurs regards
leur déception de n’être pas les premiers à déflorer la jeune rivière, ou du
moins d’y être seul comme le leur avait promis le dépliant !
Sombres connards ! Le guide lui fait dans la lèche et
s’émerveille de notre courage d’abord tant marché pour venir ici, mais on sent
sa gène, lui qui a vendu à ses gringos un endroit vierge, sans pêche. Tout ça
pour y découvrir un bande de mohicans arriérée en train de dépecer des poissons
par dizaines.
Ils n’ont pas de chance faut dire, ils arrivent là ou nous avons
décidé de mettre le paquet sur la nourriture et de gaver les guerriers pour le
reste du voyage qui s’annonce rude et long. La journée est surréaliste, les
gringos pathétiques piétinent et ne pêchent rien, mais alors rien, dans ce
fleuve si fécond ou les poissons réagissent à toutes les sollicitations qu’un
pêcheur est capable d’imaginer avec un fouet et des mouches.
Je croise à plusieurs reprises le regard de mon complice
Fernand, je sens que comme moi il a la haine. On l’avait notre paradis
immaculé, notre rivière sauvage et primitive dans sa beauté et son âme, et là
voila que quelques enculés mondains, riches et en hélico, venaient nous voler
la beauté sous le nez et en plus en nous le reprochant sombrement. Comme si ces
ordures de payer 5000 dollars pour venir là ça leur donnez de la légitimité, du
droit, ou de la compétence ! Parce qu’en plus ils pêchent avec leur pieds
les vieux débris, on est pas tout jeune nous non plus, mais on est venue à
pied, dans le respect et l’amour du sauvage, et la rivière elle nous le rend au
centuple, elle a chanté pour nous et chacun de nos hameçons est avalé avant
presque de toucher l’eau. Les autres connards ils voient rien, ils entendent
rien, ils regardent des concurrents, leur frustration est palpable, la rivière ne
leur parle pas, ne leur donne rien, elle n’aime pas le viol.
Je recroise le regard de Fernand, il a la haine et moi
aussi, mais les gringos l’ont plus encore, la fumée de nos feux les obsèdent,
ils vont revenir plusieurs fois s’humilier prés de nos fumoirs et le sentiment
va encore monter, entre les primitifs qui puent, qui fument de la viande, qui
vident et dévorent, dont les traits sont tirés par la fatigue et les crises de
rire de vivre si libres et si loin, et ceux qui dans trois heures seront au bar
d’un lodge de riches, à déblatérer sur les va nu pieds qui viennent voler le
poisson des nantis ! La haine ! En plus ces gros cons ils se croient
écolos en faisant du no kill !! No kill mon cul, pour eux un hélico tourne
en boucle sur un pays sauvage encore, on leur a construit un hôtel au village,
et leur bouffe vient en avion, écolo non cul, menteurs, voleurs !
Et cette haine va ressurgir dans notre voyage, ce jour là,
on aura le sketch du guide qui flippe parce que son hélicoptère est en retard
et que ces vieux vont crever s’ils passent un nuit dehors sous ces latitudes.
La j’ai eus un espoir, la nature allez elle nous faire passer un moment
exceptionnel, voir se faner un des âges d’or de la connerie humaine. Imaginer
le pied : voir crever une bordée de ceux qui croit toujours pouvoir faire
avec beaucoup d’argent, ce que votre corps ne vous permets plus de faire alors
que vous ne l’avez pas fait lorsque c’était possible. Il est ou le sens de
rêver à un truc qu’on peut faire quand on est jeune et fort, et qu’on ne ferra
que quand on sera riche et vieux !!!? Par convention sociale ? Non
mais qu’elle connerie ! C’est pitoyable cette manière de penser de
l’arrogante Babylon ! Voir crever des mecs de cette infernale maladie
machiste qu’es l’impossibilité de vivre une frustration et d’en pêter plus haut
que son cul me fascinerait, mais ce ne sera pas encore sur ce coup là. Leur
hélico arrive, ils se barrent ouf !!
Et comme toujours dans la nature sauvage, le calme et la
paix reviennent, toujours, si pathétique fut la séquence humaine. Les tours et
détours du cours de la rivière vont nous mener jusqu’à son embouchure, car
cette fille fleuve nourrit la baie du Cap-Horn. Et c’est là que les connards
vont revenir, l’hélico encore, mais cette fois spécialement affrété pour nous
faire chier ! De ce que nous raconte le garde pêche qui nous tombe dessus
dans le large méandre ou nous avons établis notre camp, et ou nous vivons
heureux sous l’œil pas très malicieux de quelques taureaux sauvages, le
milliardaire qui est derrière tous ce bisness de riche vit mal le passage d’une
bandes d’indiens dépenaillés sur ce qu’il considère désormais comme sa rivière!
Il le vit mal et le fait savoir, l’homme ayant ordre à la
moindre infraction de notre part, de nous retirer notre matériel de pêche et de
nous coller la prune de la décennie. Heureusement le dieu des pêcheurs est avec
nous, Il nous a envoyé un humain qui n’aime pas être manipulé par les riches de
son pays qui se croient tous permis. Il se souvient d’un temps ou au Chili il y
avait des syndicats et un désir de même lois pour tous. Je le comprends dans la
conversation, Rémy qui parlemente beaucoup à mes cotés aussi, encore et
heureusement car nous ne sommes pas en règle. Je suis passé à son bureau au
village mais il n’était pas là et nous devions partir. Pierre a bien lui aussi
essayé d’acheter des permis, mais dans le bureau ou il a été, il y avait
quelqu’un mais pas le formulaire adéquat. Magnifique avantage de ces
merveilleux pays ultra libéraux, ou la loi est très dure, mais ou
l’administration pour la faire appliquer à été condamné sur l’hôtel du
libéralisme et de l’efficacité économique. Situation on ne peut plus favorable
aux millionnaires toujours prêt d’user de leurs avocats qu’ils payent à l’année
pour éliminer des petits qui n’arrivent pas à se mettre en règle. Avocats qui
eux fabriquent les bons formulaires, mais qui souvent se croient au dessus des lois.
C’est ce qui est arrivée cette fois ci, l’âme de la rivière
continue à nous protéger sur ses berges, non seulement nous n’aurons pas
d’amende, car le gentil garde a amené des permis avec lui et nous les vend sur
place (grâce à l’argent du seul qui eut la jugeote d’en amener : Alain).
Il nous apprend aussi qu’il vient de se rendre compte que le milliardaire qui a
amené quelques dizaines de clients depuis quelques mois, n’a jamais prit la
peine d’acheter un seul permis chez lui….mais il a cru bon de faire contrôler
d’éventuel concurrents sur la zone… Très bien, très, très bien !
Moi je le dis aux amoureux du libéralisme en Europe, dix ans
en Amérique du sud n’ont convaincus de l’incapacité des hommes à faire aboutir
un système politique. L’ultra libéralisme a tué la liberté chère au cœur des
hommes, aussi surement que le communisme a tué le socialisme en Russie. Les mêmes,
exactement les mêmes, alors frère d’Europe, toi qui après tant de guerres avait enfin fait quelques pas hors des
ténèbres vers l’égalité et la fraternité, ne trébuche pas sur ce chemin. Et si
pour ça une fois encore tu dois sortir les armes, ben montre les avant de t’en
servir… Qu’elle lassitude d’encore prêcher la guerre !
La nature va nous protéger de ses extraordinaires aventures,
elle va protéger notre vie et nos cœurs jusqu’au retour, et c’est là après les
merveilles de forêt et de rives de lacs inchangés que le danger va revenir,
sournois, vicieux, insinuateur, abject, humain quoi, bassement, vulgairement,
lamentablement humain. De cette race qui jamais n’ait sélectionné et ou les
cons ont depuis longtemps supéré les meilleurs et en nombre et en force !
Au village lorsque nous rentrons toute la populace ne parle que de nous, et de
suite je vois revenir le vieux dilemme chilien, ces étrangers sont ils de sales
communistes ou un exemple à suivre ? Nous n’avons rien fait, ou presque, mais nous sommes passibles d’une rébellion
ouverte contre un puissant : exactement comme nos ancêtres indiens dont
nous sommes ce mois ci la réincarnation, de la volonté de Fernand, de la
désinvolture qui est la mienne, du courage de tous !
Le fils de pute patron du lodge, d’une compagnie d’avion et
de navigation, intime de l’ancien dictateur Pinochet au demeurant, est monté
aux rideaux lorsqu’il a appris que les gitanas avaient échappé à son offensive
de garde pêche ! Pour se venger le bâtard s’en est prit au garde pêche démocrate.
Il tache de le faire sauter en faisant pression sur ses supérieurs pour qu’on
nous allume à notre retour !!
L’enfant de pute ! Si je n’avais à ce moment là été
avec des gens que je doive absolument ramener à bon port, il n’y aurait pas eut
que les castors et les truites de ce pays qui se fussent sentis chassées !
La vieille haine pyrénéenne contre l’envahisseur est venue à nouveau me
chatouiller la gâchette. Il nous a fallut toute la gentillesse de mes copains
chiliens, que nous avons croisé dans le village durant ces quelques jours de tension, pour nous
permettre de nous contrôler et de nous rappeler qu’il n’est jamais bon de se
comporter comme un donneur de leçon lorsque l’on est pas chez soi. Car sur ce
coup là mes potes de voyage ne valent pas bien mieux que moi : j’ai
entendu beaucoup de proposition : - Et si on le choppait et qu’on le
pèle ? propose un gars des hauts plateaux des Cévennes ….- Ce genre de
connard ça ne doit pas courir bien plus vite qu’une balle non ? Réflexion
assez classique dans la culture plus lyonnaise des piémontais des Alpes…. Mais
ici on est pas chez nous et ce n’est pas pour rien que nous nous faisons
surnommer les gringos… le fumier en face n’est pas non plus indien comme les
gens d’ici, militaires compris, non ! Comme nous c’est un blanc, plus que
nous c’est un blanc! Un européen nationalisés comme presque tous encore de
cette caste de merde, les coloniaux !! Les mêmes que les békés des Antilles, les caldoches
en nouvelle Calédonie, en passant par les demis polynésiens, les parfaits
hindous et les aristocrates anglo saxons, et qui partout sur la planète sont
juste devenus impérialistes quand l’esclavage officiel a été aboli. Tous ceux
qui ont échappés à la guillotine et qui ont colportés partout leur vision
pathologique du monde. Des gens qui pour une bonne partie s’ils rentraient en
Europe et s’y comporter ainsi iraient directement en prison. Et c’est eux qui
vont gagner la bataille de la mondialisation! C’est eux qu’il va falloir
éliminer promptement ! Impérativement ! Maintenant !
Finalement à part une altercation au magasin central ou nous
sommes tombés sur le guide lamentable de l’hélicoptère, il ne c’est rien
passé ! Un gros du bide le guide, mais aussi un facho et un collabo :
une caricature ! On a pas été boire l’apéro dans leur Lodge de riches
enculés pour foutre la merde, on a plus vingt ans malheureusement, il y a dix
ans encore, je me serais battu à coup sur, ou presque pour une histoire du
genre. Aujourd’hui Le couteau est tiré, mais il ne servira pas, et peut-être tant
mieux ! On est fatigué, on est heureux, on veut en profiter, c’est eux les
vaincus quoi qu’il arrive. C’est la rivière qui nous a fait vainqueur, c’est
les lacs, c’est les rivières, c’est le fait qu’on en a eut des poissons nous,
et des couilles pour aller les chercher et ça c’est bon ! et on peut se
regarder fier dans la glace. On c’est éclaté, on c’est fait des potes, on a vu
qu’on été encore vivants et capable de réaliser nos rêves, et ça pour un homme
c’est absolument indispensable !! Alors gacher ça en allant foutre sur la
geule à des mianbles qui sont obligés de se payer un hélico et un demi nazi
pour aller à la pêche, tans pis, je me les ferrais plus tard, à la tchéchène
comme me dit l’ami Audreus.
Le garde pêche a pu sauver sa peau en écrivant tout azimuts
et en se justifiant légalement de ses décisions. Elles ne furent pas contestées
et je tache de me tenir au courant de ce qu’il c’est passé ensuite. Car le sang
n’a pas coulé, mais l’affaire n’est pas clause, un prédateur attend toujours
très patiemment son heure.
Mais dans le port d’Hushuaia il y a un immense édifice ou
sont gravés ces mots au sujet des Iles Malouines : Volveremos !! Nous
reviendrons !!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire