mardi 30 avril 2013

première vidéo de l'expédition apnée en Antarctique!!!

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=oLI-mMu8GNE

Pas grand chose à rajouter aux image, il n'y a qu'à y aller voir!!!
gilles

La vidéo de l'expédition de pêche à la mouche




http://vimeo.com/64702002

Le rêcit d'une expédition de pêche à l'omble articque en terre de feu!






Et si on allait à la pêche?

J’ai vu bien des choses dans ma longue vie de marin et mené bien des expéditions, des atolls des Tuamotu aux glaces de l’Antarctique, des grottes pyrénéennes aux volcans des Antilles. J’ai fais des transocéaniques sur des voiliers improbables, et sur des purs coursiers des mers j’ai connu l’extase du grand large. J’ai bu au Micalvi, à Valparaiso et aux acores, dans tous ces ports ou les marins aiment a perdre leur santé et leur honneur.  De toutes ces aventures je tire de quoi écrire des histoires. Des belles ou des vilaines, des vraies et des fausses: il y a celles que l’on veut oublier vite, celles dont l’on sort victorieux et grandit et celle que l’on a envie de raconter de toute urgence aux autres, tant la beauté, la joie et l’harmonie qu’elles ont engendré est grande et communicative.  L’histoire qui suit est bien de cet acabit : Celle d’une bande de copains qui ont réalisé un rêve de trappeurs dans une île de terre de feu,  abandonnée des hommes depuis la disparition des indiens entre Cap Horn et détroit de Beagle. Le vrai titre de cette histoire devrait être: et si on retournait à la pêche? Nous avions il y a quelques années découvertes un lac magique avec Rémy Castel et Fernand Monatte, un lac et sa rivière, et nous y avions vécu le rêve merveilleux des découvreurs d’endroit vierge, un rêve de pêcheurs. Seuls au monde avec des dizaines de mille de poissons sauvages !
Depuis l’ idée folle qui tient à cœur du Fernand, notre gourou dans cette aventure, est d’y repartir dans cette île de la taille d’un département français, d’en faire un grand tour, et d’explorer l’inexploré. Fernand quand il a une idée dans la tête il l’a pas ailleurs…c’est un genre de réincarnation déviante de David Crocket, Fernand , du genre à se foutre à poil et d’attaquer les ferrailleurs ( traduite pêcheur au lancer traditionnel) sur les rivières de son enfance. Véridique histoire d’un chevalier du poisson et des bois qui réussit dans un premier temps l’exploit de les faire fuir terrorisés, les ferrailleurs…. Faut dire qu’imaginer la grande carcasse de notre ami courir avec un seul masque de monstre comme habit, le poil au vent en éructant sa rage contre l’envahisseur est l’une des plus belles histoires que j’ai entendue dans ma vie au fond des bois ou j’aime traîner. Sa fuite devant l’ennemi armé de chevrotines, un vilain jour de défaite, le symbole hilarant du combat que la nature a perdu contre notre bêtise.   Authentique comme un chêne de Bourgogne, honnête a en être pendu en occident judéo-chrétien, Fernand est l’homme des folles expéditions par excellence.
Un mec bien quoi !
Rémy c’est le neveu, un alliage fin entre la révolution d’octobre et l’anarchisme espagnol, en bute au monde ultra libéral dans lequel il vit au Chili depuis quinze ans. Détonnant, visionnaire de la balade engagée, c’est bien lui qui met les feux aux poudres en relayant mon jusqu’auboutisme de Basco béarnais et le rêve d’immensité sauvage qui les dévore à tous les deux, lui et son oncle. J’avais failli ne pas voir son mail lors de l’un de mes retours d’antarctique, coincé entre les délires d’un sorcier africain et d’une pub pour s’élargir le zob, j’ai bien failli perdre ce message qui nous a menés si loin. A quoi la vie tient parfois… Des chercheurs d’infini le clan Monatte, moi j’adore et j’ai foncé tête baissé.
Alors  on a débarqué de Liledelle un beau matin, devant la forêt primaire fuégienne, chargé de trop malgré tout, avec un crédo édicté par moi : on pêche, on chasse, on survit, nul retour possible, ni échappatoires en cas d’emmerdes, pour un tour de cette île grande comme un département français fantasmé par Fernand et Rémy, et au bout,  l’une des plus fabuleuses rivières à poissons encore vierge ici bas. Et un réseau hydrique pas cartographié ni étudié à explorer. Qui dit mieux ?
Les deux ont dégottés les doux cinglés pour nous accompagner. J’ai trouvé un bateau Liledelle, et embauché, l’armée rouge, une armoire lituanienne, ancien commando de l’armée soviétique en rupture de banc sur les mers depuis vingt ans, et décidé avec lui d’un plan de campagne en terrain inexploré. Audreus, ou le rêve éveillé d’un communiste de l’est dans l’irrationnel occident.
Le plan consistait à marcher, et on a marché… comme des bêtes, à la russe, style Audreus sergent en Aghanistan, trois quart d’heure d’effort pour dix minutes de repos…comme on marche dans ces pays qui n’ont pas de routes, de chemins, de sentiers, des pays pas planifié ou seule votre connaissance de la nature, des arbres et de l’eau comptent et peuvent vous sauver la mise. Marcher contre le vent aussi, car la terre de feu c’est bien le pays du vent roi. Un pays où on marche avec la candeur d’un enfant et la crainte d’un vieux guerrier, un pays ou le soir il n’est jamais dur de s’endormir tant l’on est épuisé de fatigue et de merveilles.







 Des guerriers ! C’est le bon mot ! Une phalange de soldats du monde rural disparu, de l’ancienne culture paysanne française, si puissante en son temps, et qui n’en finit plus de se contempler disparaître dans la médiocrité du monde consommatoire : le gaspillage comme mode de vie, l’antithèse de cent siècles de paysannerie économe ! Radine dirons les chagrins, peut-être, mais millénaire, ce que ne deviendra jamais le monde industriel ! Et millénaire parce que sage ce que le vingtième siècle n’a jamais été.
 Et aujourd’hui en fuite la phalange de vieux anars, en fuite devant les pesticides et les rivières épuisées de France, devant le nombre, les Brigitte Bardot, les fils de et les j’applique le règlement moi monsieur, de l’air, de l’eau au secours !! Ces derniers représentants que nous sommes,  fuyons dans les coins encore sauvages de ce monde, rencontrez encore cette dernière chose en laquelle  nous croyons encore, mère nature dans sa force vierge et féconde. Avec le secret espoir d’y trouver une réponse à cette question qui nous taraude : comment en sommes nous arrivés là ? Mais plus que tout nous fuyons la culpabilité d’un monde incapable désormais d’arrêter l’énorme vaisseau de l’humanité dans sa course vers le néant. Nous fuyons parce-que même prendre les armes ne sert plus à rien, peut-être aussi pour fuir notre propre lâcheté. Si personne jamais ne combat, comment ne pas perdre une guerre ?
 Fuir le plus loin possible avec quelques braves frères capables de survivre dans les forêts et les lacs du bout du monde, mais ne jamais passer la limite, mais aller au plus loin, au fond de l’engagement. Dangereux ? Toujours cette question idiote, dangereux de quoi ? De marcher à pied dans une nature encore puissante, au lieu de risquer la mort toutes les deux minutes sur un périph remplit de psychopathes potentiels galvanisés par leur deux litres HDI ?  Dangereux de quoi ? De perdre sa bonne femme ? Mais elles nous connaissent nos compagnes et elles préfèrent nous voir partir courir derrières nos rêves que de finir en prison parce-qu’on a pété les plombs et rentré dans le tas ! Non, vivre des rêves éveillés n’est jamais dangereux, la mort qui nous accompagne dans ces voyages est une mort sympathique qui ne nous veut pas de mal, car nous la saluons tout les jours, car nous ne tachons pas de la dissimuler derrière les peurs stupides du monde du risque zéro.
Moi, j’ai été fier de cette équipe, plus que fier, enthousiasmé, nous n’avons pas fait une randonnée sportivo mon cul, nous avons réalisé des rêves d’hommes, nous avons été des indiens. Ceux de la légende du rainbow warrior, ceux que la prophétie Sioux appelle à l’ultime combat pour sauver notre monde de la cupidité des blancs, pour un mois nous avons été exactement, ce que les chamans sioux avant d’être exécutés à coup de barre ont appelés de leur vœux, la réincarnation des hommes de leur temps….et ça nous a fait un grand bien ! Il y avait tout dans ce groupe, je ne l’avais pas vu à l’avance, mais je l’ai découvert aux grés de nos péripéties et pour un chef d’expédition c’est ça la merveille, partir dans l’inconnu et voir que les compagnons que l’on amène avec soi, sont non seulement fiables, mais encore aguerris et efficaces, qu’ils voient et savent ou aller : le bonheur ! La compétence était là, mais aussi la valeur, la conviction, la force et la joie de vivre, mais c’est toujours ainsi quand on privilégie l’amitié et la confiance, que le fric et la suspicion. Et on peut en vivre tout aussi bien.
Des membres de groupe que j’ai déjà décris, on commence à se faire une idée, Fernand, Rémy, moi, l’armée rouge et ses 100 kilos de viande. Mais Fernand a concocté un groupe homogène et Féroce, il avait aussi amené : Alain, gourrou de la pêche au fouet et au reste d’ailleurs, fou même si cartésien dans ses méthodes, docteur en rivière et interprète du monde sauvage comme l’on aimerait en voir beaucoup plus si nous voulons survivre : signe particulier trouve toujours un guet dans une rivière, de la Sibérie profonde aux espaces vierges de terre de feu. Heureusement pour nous ! Autre particularité : s’il y a une truite dans une rivière il la prend ! Notre assurance vie dans ce périple ! Sans lui l’ordinaire aurait été bien dur, mais pas un viandard ! Un vrai qui sait toujours quand il faut s’arrêter, la rivière le lui dit tout simplement et il l’écoute. Se promener au bord de l’eau avec cet homme c’est un peu comme parler mathématique avec un prix nobel de science, tout est tout à coup facile, même au fin fond d’une île pleine de rivières pas prévu au programme et qu’il faut traverser coûte que coûte.
Marché, nous avons marché, comme des dératés on a marché, encore et toujours, un truc de folie, des heures et des heures de pampas sans fin, de bosquets primaires et rébarbatifs à la présence humaine, à la poursuite du grand lac, l’immense lac de 35 kilomètres par dix, celui des rivières magiques et oubliées de ce monde. Notre quête ? Une rivière vierge de connerie humaine! De nos jours c’est introuvable ! Quinze heures pour voir la rive du lac, trente cinq contre le vent pour découvrir, s’éblouir, s’enivrer, d’une embouchure belle et nature comme le sexe d’une jeune et gironde belle femme, offerte à la croisée des mondes atlantiques et Pacifiques. Une déesse de l’eau vit là, dans un endroit frais, vif, plein de lumière et de flot fécond.  Cette rivière est tellement délurée qu’elle nous emporte tous, bien loin de nos fidélités terrestres, tant sa sexualité n’a pas d’équivalant ici bas. Cette embouchure, fragrance de vert incrusté dans la pampa de tourbe, charrie une eau caramel, véritablement grouillante de poissons énervés ! Couchée les cuisses offertes, la rivière se remplit goulument de ce lac nourricier et viril, ventru et puissant comme un océan des terres, qui la surplombe et la fait jouir de ne jamais se retenir. Un sacré coït qu’ils font ces deux là ! Tassé sur les bords supérieurs de ses rives, sa combe est boisée, à la rivière, son chant d’amour résonne sourdement comme dans un tambour, la tourbe renvoie les basses. Nous posons enfin notre camp, là à l’embouchure, là ou c’est bon si bon de pénétrer l’eau froide du lac, épuisés, heureux, anxieux, et déjà amoureux de la belle divinité ruisselante.
 




Il y avait aussi Christian. Un aiguillier, oui monsieur, un aiguiller, un mec avec un aigle sur son gant en cuir et qui a suffisamment de connivence avec la bestiole pour que cette dernière ait le gout d’aller lui tuer du gibier… un chasseur, le plus pur que j’ai vu à ce jour depuis la mort des anciens de mon pays. Bon hein parfois l’aigle, il est pas obéissant, sinon ce serait pas son aigle, il lui ramène aussi du chihuahua endimanché, arraché de la main de la bourgeoise trop curieuse, mais bon hein, faut bien que les fauves s’amusent de temps en temps…. Donc le Christian, Il a un aigle, enfin des aigles et plein de piaffs du genre, mais il a des loups aussi, en fait, il a une arche de Noé dans une forêt quelque part vers les Alpes. Ca classe le produit ! Au demeurant naturaliste émérite du monde animal terrestre. A nous deux, nous couvrons terre et océans, un échange très important pour moi, le genre à te faire des soirées de casses couilles qui échangent du fond du cours des considérations naturalistes comparés entre la vie terrestre et aquatique et à s’en émerveiller à l’infini. Christian est la preuve que la terre existe encore dans l’âme des hommes. Un guerrier d’exception capable de tirer un gibier avec une dévotion si grande et une habileté telle, qu’il en occulte l’acte de mort, ou qui du moins le replace dans le contexte duquel il n’aurait jamais du sortir, celui sacré de la grande chaîne de la nature. Une phalange de la vieille civilisation je vous dis, celle qui ne comptabilisé pas en fric, mais en vie. Pêcheur émérite, un tantinet maniaque, grand pourvoyeur de matériel de pêche et de survie efficace, Il nous a avec Alain et Pierre nourrit de ces beaux et fabuleux ombres arctiques, qui avec les quelques  truites farios et arcs en ciels ont constitués l’ordinaire de nos jours de marche. Signe particulier : peut tirer un castor à soixante dix mètres dans son lac et le tuer net avec du quatre….exceptionnel je vous dis !

Et nous pêchons ! Pêchons et pêchons pour nous nourrir, pour vivre ! Découper, sécher, cuire, fumer, va devenir un crédeau, une homélie. On va tous essayer,  les claies de branchages, les techniques slaves de l’armée rouge, la fosse dans le sol, les préhistoriques : poisson simplement embroché sur une branche encore feuillu et planté au dessus des braises d’un feu qui va bruler nuit et jour. Nous sommes là les immémoriaux, chacune de ces heures nous sommes redevenus des hommes, la rivière nous a envoutée, nous a gâté et fêté, une femme amoureuse cette rivière… une fumée de hêtres âpre et continue a envahit le camp, nos tentes, notre vie, nos fringues, nous sommes fumés jusqu’à l’os, mais pas salé, car j’ai oublié le sel…un trappeur qui oublie le sel, c’est un con, ou un mec qui boit trop la veille du départ !
Nous reviennes des réflexes ancien de bienséances de pêcheurs, chasseurs, la belle part au prédateur, la quantité pour tous, la qualité est naturelle, ici les choses viciés ne peuvent existés, on est vivant ou mort, pas les deux comme chez nous désormais, ses poissons sont roses, frais, charnus sans être gras, ils sont les enfants de la rivière qui nous reçoit en elle. Nous nous régalons sans discontinuer des heures durant, pêcher, voir, cuisiner, manger et dormir. Nous sommes redevenus des hommes !
C’est avec la rivière que j’ai apprécié Pierre, l’ami et le binôme de Fernand depuis trente ans. Ils sont tous fait ensemble et sont un redoutable duo de coureurs des bois. Pierre est un réfugié au Chili lui aussi, épicurien par la pensée et le geste, il est têtu comme un paysan de son pays, il a marché comme un démon. Aussi puissant qu’Andreus, si ce n’était la cloppe, sa force et son endurance ont fait la différence en fin de voyage ou avec Rémy, il a portée plus que sa charge pour me permettre de revenir en un seul morceau au doux bercail du voilier. Pierre est cuisinier et pas des moindres, et il a tout pardonné, les poissons crus salés au parmesan, les fumages incertains et ou incomplets, les pattes et les riz à l’eau de tourbe, et même adoubé les soupes de têtes et d’arêtes de poissons. Il a jaugé en connaisseur le ragout de castor qui nous a fait survivre un grand soir d’épuisement, et lorsqu’à quatre pattes toute la bande c’est concentré comme une arde de sangliers primitifs pour dévorer les baies rouges et sucrés des sous bois fugéens, il n’était pas le dernier à courir d’un bouquet de fruits à l’autre en grognant sa reconnaissance à mère nature. Ses truites nous ont fait un bien fou lorsqu’il est monté en puissance et qu’il nous en a sorti des énormes, alors que nous pensions les rivières de la fin du voyage moins prolifiques que la merveille qui nous a tous envouté prêt du grand lac.
Chacun des méandres de la rivière magique nous a fait revenir à nos rêves de jeunes hommes, et nous a amené jusqu’à  l’immense baie ou se jette le dard d’eau douce de ses flots bruns. La rivière est un fleuve fille qui féconde la baie du Cap horn, rien de moins. Dans son embouchure, on veut  faire de la truite de mer, du robalo. Je voulais une halte dans cette embouchure, pour la jauger, s’y reposer avant une immense marche sur la grève. Marcher encore et toujours. L’homme était passé dans ces lieux nouveaux, et nous avons vu au bord des océans, en vue des Wollaston et son cap terrible, les vestiges d’une vieille estancia, un dérisoire enclos, cimetière des ultimes indiens de ce pays, les Yamanas, des troncs calcinés par milliers…l’homme toujours lui, les taureaux énormes et débonnaires qu’il a introduits et qui vivent encore, et des chevaux tout aussi sauvages et débridés qu’ils furent esclaves et dociles. Comme quoi rien n’est jamais perdu vraiment.

En marchant sur l’immense grève qui nous emmène vers l’ouest, vers un autre grand lac dont le réseau hydrique n’existe pas sur les cartes et que nous voulons explorer, une question me taraude. Combien d’humains des rivières pareilles pourraient-elles nourrir si nous étions capables de les respecter ? Imaginer, la Seine, la Loire, La Garonne, Le Rhône, le Rhin, revenue à la force et à la fécondité que nous venons de rencontrer avec la rivière magique, mais c’est des millions et des millions d’humains qui pourraient alors vivre décemment de leur pêche et de leur amour pour une féminité aussi aboutit. Surement des millions ! Qu’elle n’a pas été notre folie de mettre à mal autant de force, et de réduire à rien un tel bouillonnement de vie !
Pour produire encore et encore, plus toujours, produire misère, guerre de possession et frustration permanente, tout ça détruit pour quel résultat tangible ? L’embourgeoisement ? Le confort ? Le bonheur d’être propriétaire ? Tout ça contre des rivières mortes, des forêts pates à papier, des bocages remembrés ? Elle est où la logique ?

Marcher, marcher, sur cette plage de sable, puis de galet, escalader falaises et cap, d’une grève à l’autre, tient un conchal ! Fernand nous explique ces tumulus d’indiens, campement permanent et immobile d’un peuple de nomades, tumulus de cendres et de coquillages témoins de nos ancêtres dont nous tachons de retrouver la vie ces jours ci.
Et nous marchons et marchons, cette fois nous montons, la plage et ses marées, son vent salin et puissant, ses risques de tempêtes s’estompent derrière nous. Nous revenons vers la forêt et ce nouveau grand lac. De nouvelles pêches et la chasse au castor, que la vie de trappeurs est donc belle ! Intense ! Redoutable d’exigence physique sur un temps limité, mais nos ancêtres eux, disposaient du bien ultime qui justifiait tout leur dénuement, ils disposaient du temps ! Le temps de rester prêt d’une rivière magique et charnelle des mois s’ils le voulaient, de courir un gibier des semaines s’ils en avaient l’envie ou la nécessité. Rien ne leur appartenait mais ils avaient tout, tout ce après quoi l’humanité va désormais courir, l’espace vital détruit par notre bêtise depuis cent cinquante ans !

Que ce pays est donc beau ! Notre deuxième lac est plus petit, mais lové dans un écrin de montagnes et de pics enneigés, ses rives sont boisées, inaccessible à l’est, faciles à l’ouest, la rivière, fleuve fille aussi, qui n’existait pas sur les cartes est là, à nos pieds, rebelle et langoureuse, mais elle a déjà connu l’homme et sa méfiance est éveillée. Elle va nous nourrir largement, mais sa générosité est déjà sur le chemin du retour.
Marchons, marchons, marchons, la beauté et l’étrangeté de ce monde austral n’enlèvera pas un pas, pas un mètres à l’immense marche de retour. Seules les blessures et la peine viendront rallonger ce long et beau chemin. Avons-nous dans ces trois jours flirtés avec les limites ? Oui c’est sur, je vais rentrer sérieusement écloper de ce voyage, Christian est fatigué et son courage est surréaliste de bravoure, Fernand le géant tasse, mais son binôme avec Pierre vient d’atteindre son apogée, leur verve touche au sublime et c’est eux et Rémy qui vont nous ramener au village ou le bateau nous attend. Même l’armée rouge est épuisée par tant de vigilance, de marches sans fin. Rémy est le héros de la fin de voyage, au fur et à mesure que je me suis épuisé sous un sac trop lourd, il a reprit à son compte ce qui dépassait du mien. Il me permet ainsi de finir la tête à peu prés haute. C’est ça la magnificence de ce genre d’aventure, pas un seul finalement ne serait revenue seul sans les autres. Si plus de cinq pour cent des gens de ce monde pouvaient comprendre ça, nous aurions une chance. Arriver à ce pourcentage va être une tache herculéenne…. c’est finalement cette haute pensée qui sortira de la nuit de beuverie qui a suivit notre retour à bon port dans le havre de Patty, l’ex patronne du Micalvi ou nous allons finir la nuit.
Nous sommes en escale et nous perdons Rémy qui doit courir le pays pour ses affaires, mais le voyage n’est pas mort, Liledelle va nous faire les honneurs des glaciers, puis de Yendegaya ou nous allons nous rééduquer au monde des hommes. La vallée des chevaux et des taureaux sauvages, José les chasse, José les dresse, José et ses amis les mangent. José un de ceux avec qui voir est plus facile, notre semaine chez lui aurait pu durer cent jours, huit années, les humains en présence étaient du même monde, ce fut festif, ce fut gentil, José, sa femme flamande Anémie, vivent un autre rêve éveillé que le nôtre, celui de la rencontre improbable au fin fond de la terre de feu, d’une esthéticienne belge et d’un Mapuche gaucho de la plus pure tradition des dures terre du sud.
C’est sur un tarmac d’aéroport que nous nous quittons, Il n’y a plus rien à dire que de se donner cet abrazo si important au pays d’Amérique du sud.
Et de se crier le poing levé : hasta la victoria siempre, hasta la muerte ! Siempre! Hermanos!







lundi 8 avril 2013

Les Chroniques Antarctiques du Mataf alias Gilles Rigaud

par Fred Buyle www.nektos.net (Articles), jeudi 28 mars 2013, 17:00

Il en reste peu des homme de la trempe de Gilles Rigaud, le moule a été cassé ou égaré il y a bien longtemps. Avec un peu de chance avec les progrès de la génétique il pourra être bientôt cloné. Mais ce jour là, tremblez les pleutres formatéset autres galinacés d'élevage... Merci Gilles de nous avoir emmené là-bas.  

Voici donc son récit de notre expédition Antarctique. Alea Jecta Est.

Les photos sont D'Alex Voyer, et Laurent Marie, et ou de Fred Buyle, les bons amis qui sont venus avec moi dans ce si beau voyage. Il y avait aussi Franck, un vrai mataf, et Pierre mon copain médecin de l'expédition et résidant comme moi en nord caraïbes; Martinique.





Il en est des voyages comme de beaucoup de choses en ce monde, il faut pour les apprécier prendre un peu de recul et les déguster comme un grand cru, les fesses posées sur un glaçon face à l'immensité des glaces que l'on a été se conquérir au delà des caps et du fameux et farouche passage de Drake. Ce rut des deux océans qui défend les mystères de la péninsule Antarctique.
Et justement le marin que je suis n'avait à ce jour jamais encore navigué ce passage d'une manière si paisible. Un Drake de Mickey ! Oui  madame, de Mickey, comme les mecs qui font de la chasse en largable nous a rajouté le plus profond d'entre nous.

Un Drake si calme qu'on y a mangé à table et prit le soleil en string (véridique on a la photo d'un breton) à des endroits ou j'ai vu des marins partir au pont comme des poilus au front et des équipiers téléphoner dans le grand téléphone blanc leurs tripes et leur désespoir d'être là !
Bref, les apnéistes ont la baraka et pas qu'avec l'océan… aussi les bestioles qui nous gâtent comme jamais. Dés notre arrivée c'est un balai de mégaptère, des couples maman enfants à perte de vue...ou presque. Pour le chef d'expé que je suis juste un rêve, pour les copains, une bienvenue à nulle autre pareille.

Vite vite, plonger ! Personnellement je n'avais encore jamais chialé dans l'eau, ben là, à descendre dans l'eau sombre de l’Antarctique prêt du ventre blanc d'une jolie demoiselle d'une quinzaine de tonnes, à la voir nous suivre d'un oeil joueur et vaguement condescendant, je m'y suis cru, serions nous vraiment bénis des dieux ?

De mon humble point de vue, notre équipe le mérite, voilà déjà un an que j'ai contacté Fred Buyle pour réaliser mon rêve de monter une expédition apnée, voile sur le continent blanc, et que Fred m'a répondu oui après une entrevue d'une petite heure à Paris.

Comme nous avons bien fait ! Comme aujourd'hui je me félicite de l'avoir choisit lui, qui à une parole et qui tous les jours donne conseil et savoir sans arrière pensée. Heureux aussi d'avoir l'ami Laurent, seul présent à bord de la première expédition apnée dans les glaciers de Terre de Feu que j'avais mené sur Morgane et ou nous avions rêvé de glace, de banquise, de folles animaleries.

Chacun d'eux à ramené un binôme, Pour Fred, c’est Alex, un qui l'air de rien en a, et qui ne recule pas devant les léopards de mer, là ou j'ai vu des guerriers autoproclamés partir en courant.
Franck accompagne Laurent, un bosco des Kerguelen qui pose son sac et sa gouaille à bord et qui en plus est un plongeur professionnel, dans ces coins là ça sert.
Moi, j'ai Pierre, docteur de son état qui en plus d'être un bon pote à la compétence pour étaler si d'aventure nous dépassions la mesure et que nous le payons de notre personne .

Bref, rajouter à cela un bateau d'excellente facture et son capitaine de haut vol Jean-Yves et nous avons pour de vrai une force d'action qui dépasse de loin tout ce que j'ai connu depuis plusieurs années. Je suis ravi. La nature aussi, on est en plein dedans et on a tout eut, navigation dans le pack, icebergs psychédéliques, lumières diaphanes sur mer plombée et vaguement menaçante, tout ce que j'aime, une nature puissante à la limite de l'indigeste pour les pauvres dégénérés de l'ouest que nous devenons en occident, une force brute faîte de glace, de roches, d'océan, d'animaux libres qui nous envoie à la face toute la fierté sans concession de ceux qui mourrons plutôt que de finir esclaves.

Il est si réconfortant de penser qu'il reste encore un peu de place ici bas pour être réincarné en autre chose qu'en poulet en batterie ou en veau sous la mère. Hier on a plongé avec la première des léopardes sur notre chemin, une vrai biche aux longues dents dont nous aurons à reparler, mais déjà Alex et Laurent savent des choses que la plupart des humains ne sauront jamais, ils entrevoient l'indicible réalité pas ordinaire de ceux qui ont décidés de voir et non pas seulement de regarder.

Nous sommes  au bon endroit pour cela, le Cap Renard et ses mille mètres de roches ébènes encastrées dans la glace brute nous montre la route de l'eau claire de Port Charcot ou Jean-Yves et moi menons le groupe. Nous y somme venus à la voile, nous allons enfin y plonger en eau claire, avec les léopards, les phoques crabiers et les Weddels à la recherche de l'ultime symbiose pour les plongées en apnée les plus sud du monde : Putain qu'il est bon de réaliser ses rêves ! Et quinze marins sur le tonneau du mort, et yop la boum une bouteille de rhum !!

Alors, d’après Fred, le plus profond d’entre nous, l’image de l’apnéiste auprès du grand public tient en ces quelques mots: un mec qui descend le long d’une corde vers on ne sait où, qui fait dix heures de yoga par jour et qui bouffe des graines.
A cette définition on pourrait ajouter dans notre cas, une bande d’ayatollahs de l’hypoxie chronique et sados-masos au point d’aller s’envoyer dans l’eau à -2°c avec des animaux à la con...

He bien non! cent fois non! Mille fois non! Mort aux clichés, sus aux a priori surannés, l'apnée, n'est pas, n'est plus, ne sera jamais le syndrome du grand bleu, l'apnée comme la voile c'est juste vivre moins con. Que nos copines se rassurent nos valseuses n'ont pas gelés, la peau de nos arpions n'est pas encore collée dans les chaussons de nos combis, et nos dents sont encore fièrement à poste entre des lèvres encore tout à fait sensuelles et nous savons encore à quoi sert une langue.

Et malgré un temps de chien, nous tenons un moral de vainqueur. Notre expédition n'est pas seulement le rêve d'une bande de plongeurs couplée à de vieux gitans de la mer, elle est en train de révolutionner le concept de la plongée en eau très froide dans le monde sauvage. Nous faisons tout plus vite, plus fort, moins cher et avec des résultats simplement incroyables! Et je ne Gasconne pas en écrivant ces mots. Quand je dis sauvage, je ne parle pas de Port Cros ou des Tobago Cays où les poissons, tous bacheliers, sont si imprégnés de l'homme qu'ils en arrivent à différencier les différentes races des tortionnaires qui les cantonnent dans des espaces dont sortir signifie pour eux une mort quasi instantanée.

Non, là je parle du vrai monde, l'autre, vous savez celui en voie de disparition, à qui nous devons tout de le surexploiter sauvagement depuis des décennies sans vouloir le reconnaître. Vous vous rappelez? On le voit encore parfois à la télé ou sa rareté fait les choux gras de quelques producteurs endimanchés dans la bien pensée écologiste. Ben nous on est dedans.
Pour ce mois ci on a choisit notre camp ( parce que il faut pas croire hein, on est aussi lâches que les autres, on y retournera devant la télé et dans les embouteillages!!!!), mais mère nature est bonne fille, nous a repérée et ne c'est pas trompé, elle veut nous montrer qu'on est dans le vrai, et ces jours ci les cadeaux sont pour nous.

D'abord pour nous féliciter de notre démarche d'apnéiste. C'est à dire de venir ici à la voile, sans bouteilles, sans compresseur bruyant et gourmand en essence, sans combinaison sèche, ( toutes ces petites décisions personnelles qui feront que l'humanité survivra ou disparaitra un jour) les mégaptères nous ont offerts un bal de bienvenue qui restera à jamais gravé dans nos esprits. Le bal c'était en surface, des mères, des petits, tous de concert en train de se gaver de Krill. Mais sous l'eau nous attendait l'extase, une jeune adulte à peine sortie des jupes de sa mère en pleine quête indentitaire, nous a gratifié d'une exhibition quasiment érotique. On a dansé avec elle, elle nous a dragué de la caudale, de la dorsale, de la queue et du museau, enroulant d'une sarabande joyeuse nos corps de lilliputiens. Cette bête si grosse nous a donné un cours de grâce, de douceur, et de sensualité dont aucune femme que je connaisse n'est capable. C'était si beau, si grandiose, si émouvant, c'était a chialer et j'ai chialé de joie dans mon masque et Laulau prêt de moi aussi.

Avec les phoques léopards, l'autre pendant de notre présence ici, on est au delà du délire, dans une espèce de réalité non ordinaire qui nous laisse pantois. Voila des années que je me préoccupe de ces bestioles, et que je fantasme sur le fait d'amener de vrais apnéistes au contact de ce fauve magnifique et fort sympathique. Et les faits que j'observe aujourd'hui dépassent toutes mes espérances. La mode, depuis que les bouteilleux viennent ici bardés de flash et engoncés dans leur ridicule combi sèches sur les gros bateaux de croisières, c'est de dire que le léopard est un tueur plus ou moins pathologique, j'imagine que ça fait vendre! ( y a eut un mort faut dire, une pauvre fille qui était trop scotché à ses prélèvements de je ne sais trop quoi, pour voir une grosse dominante monter dans les tours, je l'ai déjà dis regarder ne suffit pas ici, c'est voir qu'il faut).

Faut dire que de temps en temps se taper un de ces gros nazes à bulle qui te bombardent de leur lumières électriques ça doit être tentant pour les mémères, mais elles sont braves les filles léopardes, elles en ont pas encore bouffé un, ou si peu… si les dieux me réincarnent en léopard des mers, moi je vous le dis, ça va leur changer d'ambiance aux gros hamburgers flottant.

Pour nous on serait plutôt dans la grande symbiose…quasi spirituelle. Le fait est qu'entre les récits de Fred Buyle et ses requins de Guadalupe et d'ailleurs, les histoires de mer de Jean-Yves et moi, les anecdotes des Kerguelen de Franck, et les analyses Célinienne de l'humanité de l'ami Pierre, on a de quoi planer à cent mille. Rajouter à cela les paysages d'un autre monde de la péninsule et on est bon pour les neuroleptiques au retour au pays; on saute désormais dans l'eau pour un oui ou un non, on s'extasie, on se fend la gueule, on se tape des cailloux avec le bateau…. en fait nous sommes tous satellisés… au point que hier, Laurent désormais bien habitué à la présence du prédateur a connu l'ivresse suprême de la communion avec l'animal. ça a été véritablement faramineux! Faut dire qu'il est décontracté le Laurent et même sacrément audacieux le merdoullet.
Il a fait son canard, et est parti vers le fond tout tranquille, à mains nues, sans boitier photographique à mettre entre lui et les crocs de la lionne: il a fait tout ce qui est interdit par la littérature auto proclamé de la Sainte Bouteille. De la grande classe! Et la cocotte elle a été charmé! Pas de parade d'intimidation, pas de jeu de bulles furieux pour un nouveau sur le territoire, pas de nage hystérique et menaçante.

Baba le grand machin de 300 kilos, faut dire qu'il a une jolie coulée le bougre, elle l'a suivit tout aussi doucement qu'il est descendu sous cet iceberg échoué et elle l'a couvé du regard comme une mère son juvénile….c 'était incroyable, à un mètre de là Alex immortalisé la scène dans son boitier magique. Lui aussi il était dans la grande symbiose, pas un geste agressif de la grand patronne à son égard, pas un croc sortie, pas un geste d'impatience, elle était là dans une intense communication avec ces deux là, qui comme elle ne respire pas sous l'eau, mais y vivent, y voient et y aiment ou y tuent. Une réunion d'apnéiste de races différentes. Simplement très beau. Il m'a semblé qu'elle comprenait ce que ces deux là lui voulaient et j'ai été bien fier de pouvoir assister à cette scène, qui pour moi marque un renouveau majeur dans la relation mammifères marins, humains.

C 'est ça l'apnée! Et des graines on en bouffe que dans le porridge le matin. Et aujourd'hui pour l'anniversaire du plus profond d'entre nous, on c'est collé du rouge et une énorme gâteau que notre amphitryon Jean-Yves nous a préparé avec amour. Car l'apnée c'est avant toute chose aimer.

D'après le docteur Pierre, la définition d'un mélancolique est un malade mental qui seul et livré à lui même peut se suicider en s'arrachant un oeil avec une petite cuillère….j'adore les histoires du docteur Pierre. Mais ce que j'observe dans les yeux de mes compagnons aujourd'hui, n'en déplaise au bréviaire du parfait petit psychiatre, est une mélancolie bien plus littéraire, une tristesse. Comment partir sans pleurer d’un pays pareil ; le pays magique protégé par un traité magique !
Pas franchement suicidaire la troupe, plutôt vaillant même les garçons. Bon, sur avec Jean-Yves on surveille quand même du coin de l'œil les cuillères du bord, mais bon pour l'instant tout est normal.

Faut dire que ce n'est pas encore le Drake retour qui va nous éveiller le grand instinct de survie du guerrier. On mange à table comme au salon, l'océan est un amour d'harmonie entre un vent doux et une houle délicate, on a eut du soleil et on croise des icebergs lymphatiques que nous abandonnons mélancoliquement, c'est bien le mot, derrière nous. Déjà !

Je crois qu'auprès des gars mes histoires de bastons mémorables ne seront plus jamais que des Gasconnades d'un qui est descendu de ses montagnes Béarnaises pour se faire mousser sur le territoire endémique de la Celte Bretagne… mais ils peuvent se foutre de moi, un jour ils verront ce que c'est qu'un Drake, un vrai, le prix véritable des merveilles du continent blanc.

En attendant sur ces flots qui se réchauffent trop vite, nous rêvons à la belle aventure qui tire à sa fin. Le blanc immaculé de la glace à peine disparu nous manque déjà, la morsure du froid autour du masque aussi, tout est encore si proche, on y était si bien sur cette autre planète, au pays des phoques léopards et des baleines à bosse!

Que choisir dans l'intense foisonnement des folies que nous venons de commettre pour témoigner des beaux jours que nous venons de vivre! Peut-être l'histoire de notre dernière plongée, dans notre dernier mouillage, celui choisit par le patron pour préparer le bateau au retour et attendre le meilleur moment.

C'est une baie ou les baleiniers avant nous, venaient déjà s'abriter pour perpétrer leurs forfaits, et un endroit ou je cherche depuis plusieurs années un cimetière de baleines encore inconnus des tablettes. Un qui ne serait dévoilé à quiconque, et que je pourrais explorer loin des zodiacs des casse couilles des paquebots de croisière, toujours à l'affut de ce que nous faisons, vautours infâmes! Voleurs de mouillages, profiteurs endimanchés! Bref, une der des ders, l'ultime apnée en Antarctique sera dédiée à l'exploration pure: la classe! Mais que neni! Zob! Une fois de plus choux blanc! Rien que du caillou, pas l'ombre d'une dépouille dans les ultimes endroits que je pensais favorable à une nouvelle découverte, et c'est déçu que je regagnais le bord.

Allez hardis les gars ! A ranger ! A faire sécher sous le soleil combis et annexe, on re-transforme le camp de plongeurs manouches itinérants en fier voilier hauturier !
Presque prêt à l'appareillage et on est parti ! Là les bretons, c'est vrai que c'est sentimental finalement un breton, prit par l'émotion se jettent à l'eau en criant leur tristesse.

Emporté par son élan Laulau a sauté avec ses palmes et en perd une. Une palme en carbone ça coûte bonbon et Franck et moi encore équipé, on plonge avec lui pour la retrouver. Au fond de l'eau je tombe sur le gros crâne poli d'une baleine bleue, Franck sur des vertèbres, Laulau en plus de sa palme trouve des cotes, des mâchoires: le cimetière est là sous la quille du voilier!
Quel con! Bien sur que nous avons élu depuis des années l'endroit le plus protégé de la baie pour mouiller nos bateaux, exactement comme les baleiniers l'ont fait avant nous et c'est bien à cet endroit précis qu'ils dépeçaient leurs victimes, le seul endroit ou je n'avais pas encore cherché…..Vive l'apnée et les palmes en carbone!

Tant d'images! Tant de choses à raconter! On va en devenir chiant à forces, faisons-nous tout ça pour nous, ou pour les raconter à des gens qui finalement n'en ont rien à faire? Qui ne changerons rien au monde qui les entoure, ni à leur mode de vie? Ne sommes nous pas finalement que de médiocres nombrilistes? Je ne sais pas et je m'en fous, je vais en Antarctique car tel est mon bon plaisir de marin et d'homme et j'aime y amener ceux qui ont encore un soupçon de hargne et de rêve, qui croient encore en l'aventure et à un monde original ou nous serions moins minables.

Parlerais je de notre émotion avec Fred alors que debout sur le pont, que nous parlions du seigneur de l'océan, et que Laulau, encore lui, était dans l'eau à s'échiner de suivre une maman mégaptère abusive et son baleineau pourtant si curieux, nous vîmes débouler sortie de nulle part, la dorsale noire d'un de ces orques tant espérés. Une dorsale qui fonça directement sur notre plongeur que j'eus juste le temps de prévenir. Une dorsale qui devint un magnifique juvénile plein d'assurance qui vint renifler les palmes du chanceux Breton réfugié prêt de la coque de Liledelle, Breton ébahit d'admiration devant le plus grand guerrier des mers, mais qui n'en menait pas si large.

Un juvénile qui nous a conduit jusqu'à sa famille et ses frères et mères…..un beau, un grand voyage je vous dis!!! Comment pourrais-je raconter ces choses si importantes pour la compréhension de notre expédition, mais que le culte du risque zéro et l'hypocrisie écologistique en cours dans notre monde au sommet de l'imbécilité fondamentale m'interdit même d'évoquer?

Comment imaginer pour nous que personne ne bronche à la vue obscène et terrifiante d'un chalutier industriel dans un port, mais que le risque de prendre un bon coup de queue par une copine de 25 tonnes en train de se fendre la poire avec vous puissent être interpréter comme une inacceptable interférence dans la vie animale?
Interprété par des ayatollahs auto-proclamés qui chaque année agrandissent un peu plus le gouffre qui c'est creusé entre nous et les autres grands mammifères de de ce monde.

Alors qu'il me semble ( et je crois aussi à mes potes) que les animaux aussi ont le droit d'aller au zoo voir de prés les imbéciles qui prolifèrent sans limite sur leur planète. Comment pourront-ils se protéger de nous, de nos satellites, de notre cupidité, s'ils ne nous voient que le jour ou le harpon explosent dans leurs chairs, ou que le filet se referment sur leur destin de viande industrielle?
Comment feront ils pour nous amadouer et nous considérer autrement que comme des bêtes sauvages, si nous les enfermons dans quelques sanctuaires dont comme les indiens ils ne sortiront que les pieds devant?
Aller seul, ou à deux, sans moteur, sans armes, à la nage ou à pied, jouer et baisser la tête devant un grand ou un petit animal marin ou pas est la chose la plus rédemptrice, la plus noble et la plus émouvante qu'un humain puisse faire ici bas, surement la seule qui puisse le changer.

Et quand je parle de rencontre de ce genre je parle d'une rencontre dans le monde sauvage, ou dans ce qui en reste, là ou s'il le désire l'animal puisse être aussi con que nous, et non pas du pont d'un bateau ou derrière une vitre ou une grille. A mon sens c'est l'ultime démarche qui puisse encore sauver notre espèce et lui permettre de partager le monde équitablement avec tous ceux qui en ont besoin dans sa diversité.

Et en retraversant le Drake c'est ça qui nous travaille tous, comment on va faire maintenant qu'on a compris ça, devenir terroristes? se taire? Hypocritement faire comme si tout ça n'avait été qu'un intermède de bourgeois en vacances et reprendre la vie normale et soumisse de l'homme moderne? Ce n'est pas le regret de partir qui nous tire des larmes, ce n'est pas ce beau voyage qui se termine, ni cette belle équipe d'hommes bientôt séparés que nous avons amenés la-bas avec Jean-Yves, c'est le désespoir de se sentir impuissant qui est terrible, nous qui comme tant de nos semblables aimerions tant que les choses s'arrangent ici bas.

Alors on va pas chialer une fois encore, les gars demain c'est le Horn! Après demain la ville, et ensuite c'est là que la bataille doit avoir lieu, on peut pas avoir plongé là où nous venons de montrer ce qu'être apnéiste veut dire et se dégonfler, on a un peu signé avec l'Antarctique qui nous a tout offert, on est le dernier rempart. Il me semble qu'on nous l'a bien fait comprendre, alors va falloir se trouver des soldats, parce que ça va chauffer!!  Et qu'il va falloir montrer si on en a ou pas!  Alors Adichats et à la prochaine

le Mataf!